Les Etats-Unis ont annoncé lundi des sanctions contre China National Electronics Import and Export Corporation (CEIEC), une importante société publique chinoise spécialisée dans l’électronique, civile et militaire, accusée d’aider le gouvernement socialiste du Venezuela à censurer ses détracteurs sur Internet. Le Trésor américain va geler les éventuels avoirs aux Etats-Unis de CEIEC et de toute entreprise dont la compagnie détiendrait au moins 50% du capital. Ces sanctions leur bloquent aussi l’accès au système financier américain.
Selon Washington, CEIEC apporte son expertise à CanTv, l’entreprise publique de télécommunications du Venezuela, qui bloque des médias indépendants ainsi que des retransmissions en streaming du chef de l’opposition, Juan Guaido, reconnu comme président par intérim par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis et la France.
Sur Twitter, la plateforme Ve Sin Filtro(«regarde sans filtrе») répertorie régulièrement les sites dont l’accès est rendu impossible au Venezuela. Dans sa liste publiée en octobre figurent les principaux sites d’opposition (Caraota Digital, Efecto Cocuyo, La Patilla), la chaîne d’info hispanophone des Etats-Unis Globovision, deux sites d’informations sur le Covid-19 créés par l’Assemblée nationale dont le président est Juan Guaido, ainsi qu’El Universal, l’un des rares quotidiens critiques envers le régime.
La société chinoise offre, d’après le Trésor américain, une «version commerciale du « Great Firewall » de Pékin», jeu de mots sur la Grande Muraille de Chine et le pare-feu (firewall) pour décrire le filtre mis en place par le pouvoir communiste afin d’éviter tout accès des Chinois à des informations qu’il juge politiquement sensibles. «Les Etats-Unis n’hésiteront pas à viser tous ceux qui étouffent la volonté démocratique des Vénézuéliens et d’autres à travers le monde», a prévenu le secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin.
Pékin est un des principaux soutiens et partenaires commerciaux de Nicolas Maduro, avec la Russie, la Turquie et l’Iran, qui résiste à la pression économique de Washington pour le chasser du pouvoir.
Le gouvernement vénézuélien, de son côté, a dénoncé dans un communiqué les «actions illégales du gouvernement des Etats-Unis» qui chercherait à «déstabiliser» le pays à l’approche des élections parlementaires de dimanche. Le pouvoir espère reprendre le contrôle de l’Assemblée nationale, seule institution dominée par l’opposition. Qui ne présente pas de candidats à ce qu’elle considère, à l’instar de nombreux observateurs internationaux, comme un processus truqué.
CEIEC a fait affaire avec d’autres pays d’Amérique latine proches du «socialisme du XXIe siècle» prôné par le défunt président vénézuélien Hugo Chavez. Notamment l’Equateur, sous la présidence de Rafael Correa, et la Bolivie d’Evo Morales.
En Equateur, le groupe chinois a mis sur pied en 2012 le système Ecu 911, qui gère la sécurité (accidents de la route et criminalité) grâce à des centraux téléphoniques et un réseau de plus de 4 000 caméras de surveillance fabriquées par le géant Huawei.
L’opération a été financée par un prêt accordé par Pékin à Quito de 240 millions de dollars. Le succès d’Ecu 911, qui d’après le gouvernement de gauche a entraîné une baisse spectaculaire de la mortalité routière et de la délinquance, a incité la Bolivie à se doter d’un dispositif similaire, baptisé Bol 110, doté de 1 500 caméras et financé par un prêt chinois de 105 millions de dollars.
En Equateur, Ecu 911 a été au centre d’une polémique en 2017 quand Lenin Moreno, président nouvellement élu, a remis en cause l’héritage de son prédécesseur, et ancien mentor, Rafael Correa. Un rapport de la Cour des comptes sur le système de sécurité signalait cette même année un surcoût non justifié de plus de 32 millions de dollars au bénéfice de CEIEC et d’un autre de ses partenaires chinois, China CAMC Engineering Co. Ltd. Deux ans plus tard, Lenin Moreno révélait que Ecu 911 avait servi avant son arrivée au pouvoir à espionner des opposants, grâce à sa maîtrise du réseau de télécoms et à la technologie chinoise.
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