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Publié Le 17 mai, 2021 9:20 pm

Ses champs d’application mobilisent IBM, Microsoft, Google et des chercheurs du monde entier. Ses enjeux sont colossaux pour les générations à venir, pour se déplacer, communiquer, se soigner… Plongée dans des écosystèmes aux frontières de la science-fiction et du business.

Elle a déjà commencé. Subrepticement, aussi impalpable que les particules dont elle se sert, la révolution quantique est en train de bouleverser radicalement toute la société. Un exemple parmi d’autres : la productivité pourrait doubler d’ici à 2024 grâce à la numérisation et à l’automatisation.

Le retour d’une croissance de la productivité au niveau de celle connue par les pays occidentaux durant les Trente Glorieuses est possible, indique un rapport de McKinsey. Quelle mouche a donc piqué la productivité ? La mécanique quantique. C’est elle qui joue le rôle de la main invisible de la technologie et qui booste tous les secteurs. Le champ d’application est infini : véhicules ultra-connectés de plus en plus intelligents et autonomes ; accélération de la découverte de molécules dans la santé ; conception de nouveaux matériaux ; télécommunications ultra-sécurisées… La révolution quantique, longtemps pointée comme une utopie futuriste, est sur le point de chambouler nos existences.

Quelle est donc cette mécanique étrange dont les lois défient le bon sens ? Elle est née à l’aube du siècle dernier quand le physicien Max Planck découvre que l’énergie s’agrège en petits paquets qu’il baptise quanta. Albert Einstein applique aussitôt cette découverte à la lumière et la décrit comme étant à la fois une onde et une particule. La mécanique quantique est née. Une même particule peut se retrouver dans plusieurs états en même temps et bascule d’un côté ou de l’autre dès qu’elle est observée. Impossible à admettre dans le cadre de la physique de l’époque, mais dans le monde de l’infiniment petit, les instruments de mesure perturbent ce qu’ils observent. Il n’est plus possible de décrire réellement ce qu’il se passe, la physique se contente de prédire un résultat.

Cette première révolution quantique a donc d’abord été une révolution théorique. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la théorie débouche sur une multitude d’inventions technologiques qui bouleversent notre vie quotidienne. Toute l’électronique actuelle découle de la mécanique quantique, qu’il s’agisse du transistor, du laser ou des microprocesseurs. C’est la deuxième révolution quantique. A titre d’exemple, les premiers lasers à semi-conducteurs font leur apparition dans des laboratoires dans les années 1960. Ils nécessitent des températures très basses et des courants électriques énormes. On les trouve aujourd’hui pour quelques euros dans n’importe quel lecteur DVD avec une consommation se mesurant en milliampères. La liste est longue : le GPS, les disques durs, les clés USB, les téléphones portables… Nous nous en servons tous les jours sans y prêter attention.

Une découverte stupéfiante

Cette révolution-là appartient désormais au passé. Une troisième est en route et va à son tour provoquer un chambardement inouï. Elle a commencé dans les années 1980 quand le physicien français Alain Aspect parvient à réaliser une expérience cruciale au sein de l’Institut d’Optique à Orsay. Il met en évidence une propriété prédite par la théorie : deux particules intriquées restent corrélées quelle que soit la distance qui les sépare (voir schémas ci-contre). Imaginons qu’on puisse intriquer deux particules. L’une reste dans une boîte à Paris. L’autre est envoyée à Rome. Une observation faite sur la particule romaine aura immédiatement un effet sur la particule parisienne. Cette stupéfiante découverte conduit à une application concrète en chiffrement. Puisque la mesure faite à Rome est observable à Paris, il est possible d’utiliser cette propriété pour envoyer des messages instantanément. C’est la téléportation quantique, plus modeste que celle de Spock et du capitaine Kirk dans la série Star Trek. Mais bien réelle. Le message ne voyage pas par les ondes ou un quelconque moyen identifiable, il est donc indétectable. Et quand bien même un espion parviendrait à intercepter les particules, cette interception serait immédiatement détectée. Pour réaliser une telle opération, il faut être capable de manipuler des objets quantiques individuels, un seul photon ou un seul électron, par exemple. La technique est extrêmement complexe mais, une fois maîtrisée, elle permet d’associer deux objets singuliers intriqués et de les utiliser pour envoyer des informations. Science-fiction ? Non ! La Chine en a fait la spectaculaire démonstration, il y a quatre ans, en téléportant une information entre un satellite et deux télescopes séparés de 1 200 kilomètres. Elle compte bien passer à l’étape suivante avec la mise au point d’une cryptographie quantique : la possibilité de créer une clé de chiffrement transmise par téléportation. Celle-ci devrait être bientôt expérimentée entre Pékin et Vienne.

La troisième révolution quantique ne se borne pas à l’envoi de signaux. Elle permettra de faire progresser de façon phénoménale la métrologie, la science des mesures. Et de fabriquer des capteurs d’une précision jamais atteinte, capables, par exemple, de détecter un obstacle, de l’analyser et de réagir beaucoup plus vite qu’un humain. Le rêve de tous les constructeurs automobiles actuellement.

Elle pourrait enfin permettre l’avènement de l’ordinateur quantique, à l’origine de tous les fantasmes. « Il arrivera sans doute un jour, prédit Alain Aspect, mais pas avant des années tant les obstacles à surmonter sont complexes. » Car, à la différence de l’ordinateur où les données sont codées sous forme binaire – 0 ou 1 – l’ordinateur quantique utilise des qubits reposant sur des particules quantiques qui possèdent plusieurs valeurs simultanément. Hélas, les qubits perdent leur effet quantique au bout de quelques millionièmes de seconde. De fait, chaque fois qu’on ajoute un qubit, la complexité de la machine croît de façon exponentielle. C’est un peu comme d’empiler des galets sur la plage. Chaque nouveau caillou augmente sensiblement la probabilité que l’ensemble s’effondre. Cela ne signifie pas qu’il soit impossible d’y arriver mais les chercheurs se montrent très prudents sur la date à laquelle les obstacles seront surmontés.

2 puissance 100 opérations

Car, pour l’instant, comparer un ordinateur quantique à un ordinateur classique revient à comparer un éclair dans le ciel avec une ampoule basse consommation. Son intensité peut atteindre 20 millions de volts sur une durée très brève alors qu’une ampoule peut rester allumée pendant des mois. De la même façon, un ordinateur quantique de 100 qubits peut réaliser 2 puissance 100 opérations en même temps, soit environ mille milliards de milliards de milliards d’opérations ! A titre de comparaison, les supercalculateurs les plus performants comptent en péta-flops, soit un million de milliards d’instructions par seconde. Une telle machine serait un million de milliards de fois plus puissante, mais pendant une centaine de microsecondes seulement.

Avant d’en arriver là, l’ordinateur quantique devrait chambouler notre façon de nous déplacer, de communiquer, de nous nourrir, de nous soigner… Les enjeux sont colossaux pour les générations à venir. Les intérêts économiques aussi.

Tous les géants de l’informatique, américains et asiatiques, se sont emparés du sujet. Et ferraillent à coups de milliards de dollars… Et d’opérations de communication. Microsoft planche depuis 1997. Et affirme travailler sur une particule, baptisée Majorana, qui aurait une durée de vie de l’ordre d’une minute. Pour un ordinateur qui calcule plusieurs milliards d’opérations par seconde, c’est déjà très long. Cette étrange particule aurait été observée pour la première fois en 2012 par les chercheurs de l’université de Delft aux Pays-Bas. Mais les résultats de l’expérience ont été contestés et son existence est controversée.

IBM commercialise, de son côté, un cube de 2,7 mètres d’arête, fabriqué en verre borosilicate transparent de 1,3 centimètre d’épaisseur. L’ensemble est totalement hermétique.

Le cœur du système est refroidi à une température proche du zéro absolu, pour éviter que la chaleur agite les particules et leur fasse perdre leurs propriétés quantiques. Pour spectaculaire qu’elle soit, cette innovation laisse de marbre le milieu de la recherche, car il n’affiche que 20 qubits. Intel a annoncé un ordinateur quantique de 49 qubits tandis que Google affirme disposer d’une puce à 72 qubits. Les progrès sont là mais il faut au moins 150 qubits pour pouvoir véritablement parler de suprématie quantique.

A quoi serviront ces ordinateurs de nouvelle génération ? « Ils pourront faire ce que la nature fait de façon spontanée, affirme Bernard Ourghanlian, directeur technique et sécurité de Microsoft France. La nature est quantique. Pour assembler des molécules, atome par atome, il faut être en mesure de calculer toutes les interactions, si nous voulons obtenir une molécule stable. »

Cela demande des calculs d’une complexité qui augmente très vite en fonction du nombre d’atomes et qui dépasse de très loin les capacités des ordinateurs actuels. Par exemple, seul un ordinateur quantique serait capable de mettre au point un catalyseur de CO2 pouvant capturer et stocker le gaz carbonique présent dans l’atmosphère. Et donc de maîtriser le changement climatique. Et ainsi réguler notre existence.

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