Twitter a saisi la justice mardi 12 juillet pour obliger Elon Musk à racheter le réseau social selon les termes convenus avec le patron de Tesla fin avril, qui valorisaient le groupe californien à 44 milliards de dollars. Un juge d’une cour spécialisée en droit des affaires, dans l’Etat du Delaware (est des Etats-Unis), devra donc déterminer si le multimilliardaire peut, ou non, mettre fin, sans frais, à l’accord d’acquisition.
Ce dernier prévoit des indemnités de rupture d’un milliard de dollars, qu’Elon Musk ne semble pas vouloir régler, en l’état. « La stratégie de sortie d’Elon Musk est un modèle d’hypocrisie » et un « modèle de mauvaise foi », déclarent les avocats de la plateforme, qui semblent déterminés à en découdre. « Après avoir monté tout un spectacle pour faire de Twitter une cible, et après avoir proposé puis signé un accord de fusion, Musk a l’air de croire qu’il est libre — contrairement à toute partie engagé par un contrat suivant la loi du Delaware — de changer d’avis, de diffamer l’entreprise, de perturber ses activités, de détruire la valeur de son action, et de s’en laver les mains », assènent-ils d’entrée dans un document judiciaire consulté par l’AFP.
Le fantasque entrepreneur est monté au capital de Twitter en début d’année, avant d’annoncer son intention de racheter la plateforme, qu’il considère comme trop « censurée », dans l’intérêt de la démocratie.
Pour justifier sa décision unilatérale, vendredi, de mettre fin à l’accord, ses avocats ont assuré que Twitter n’avait pas fourni toutes les informations demandées sur les comptes inauthentiques actifs sur le réseau et minimisé le nombre de spams. Mais pour l’oiseau bleu, « le comportement de Musk confirme simplement qu’il voulait se sortir d’un contrat qu’il a signé librement, et nuire à Twitter dans le même temps ». « Oh l’ironie lol », a réagi Elon Musk sur Twitter mardi.
Lundi 11 juillet, il a publié une image avec quatre photos de lui-même, hilare, avec cette légende : « Ils ont dit que je ne pouvais pas acheter Twitter. Ensuite ils ont refusé de révéler les informations sur les faux comptes. Maintenant ils veulent me forcer à racheter Twitter au tribunal. Maintenant ils sont obligés de révéler les informations sur les faux comptes ».
Depuis plusieurs mois, l’homme le plus riche au monde multiplie les attaques et moqueries contre le réseau où il est suivi par plus de 100 millions de personnes. Il a vertement critiqué sa politique de modération des contenus, et s’est moqué publiquement de certains cadres. Au pic de la dispute au sujet du nombre de comptes inauthentiques, il a opposé un émoji en forme de crotte aux arguments de Parag Agrawal, le patron de Twitter.
« Il a prétendu +suspendre+ l’accord en attendant de satisfaire des conditions imaginaires, failli à son obligation de trouver des financements (…) enfreint son devoir de réserve (et) utilisé des informations confidentielles à de mauvaises fins », énumèrent les avocats de la société. M Musk « n’a pas employé les moyens nécessaires pour réaliser l’acquisition », ajoutent-ils. « Twitter a subi et va continuer à subir des dommages irréparables à cause de ces infractions ».
Vendredi 8 juillet, le président du conseil d’administration (CA) de la plateforme, Bret Taylor, avait prévenu que le CA était « déterminé à conclure la transaction au prix et aux termes convenus » et entendait bien l’emporter devant les tribunaux. « Il y a tout un éventail d’issues possibles: un accord négocié entre les parties pour éviter le procès, le paiement des indemnités de rupture, l’application du contrat et une myriade d’autres possibilités », a noté l’analyste Dan Ives mardi.
Différents experts en droit des affaires s’accordent pour donner l’avantage à Twitter en termes d’arguments légaux, mais estiment que le réseau social va pâtir durablement de cette affaire, quelle qu’en soit la conclusion. « Musk a un oeil au beurre noir et Twitter (et ses employés) vivent un film d’horreur » a commenté Dan Ives. « C’est un soap opera sans vainqueur ».
(avec AFP)