Etudiant à Los Angeles, Jake Freeman (20 ans) a empoché en quelques semaines une plus-value de 110 millions de dollars. Voici le récit de l’incroyable été de ce jeune spéculateur très avisé.
L’été à Wall Street est propice aux belles histoires, dignes du film du même nom mettant en scène Michael Douglas (1987) ou encore le Loup de Wall Street (2013) avec Leonardo DiCaprio. Il y a quelques jours, c’est Kenneth Griffin qui en mettait plein la vue.
Le fondateur et dirigeant du fonds Citadel, un des plus importants traders américains, dont la fortune est estimée à 29 milliards de dollars, annonçaient des résultats stupéfiants, équivalent à un gain de 23,3 millions de dollars par jour en 2022, soit 16 000 dollars par minute.
Bien connu de la place, ce milliardaire emploie plus de 1000 personnes à travers le monde pour spéculer. Pour ce faire, et malgré son énorme trésor de guerre, il continue à s’endetter avant que les taux d’intérêt ne remontent pour de bon, ce qu’il vient encore de faire à hauteur de 400 millions de dollars.
Une autre vedette a brillé au firmament de la Bourse américaine cet été. Totalement inconnu, Jake Freeman est devenu en quelques heures un sujet pour tous les grands médias anglo-saxons , y compris le Financial Times. Le journal consacre un long article dans son édition du 19 aout sur le coup de bourse qui lui a permis d’empocher, à 20 ans, un pactole de 110 millions de dollars.
Son aventure fait beaucoup penser eu début du Loup de Wall Street. On se rappelle que le héros du film, le jeune Jordan Belfort (un personnage qui a existé) se fait connaître dans le milieu de la finance en spéculant sur des actions très décotées et volatiles d’entreprises sur lesquelles il diffuse des informations pour faire varier les cours, attirant au passage d’autres investisseurs. Cette technique du pump and dump, à la limite de la manipulation de cours, est très en vogue actuellement, grâce à un savant usage des réseaux sociaux et des plateformes boursières.
Reprenons l’histoire vraie de Jake Freeman qui affole les médias. A la différence de l’autodidacte Jordan Belfort, le jeune homme est né dans un milieu plutôt favorisé. Son oncle, Scott Freeman, avait un gros job dans l’industrie pharmaceutique, avant de se mettre à son compte pour investir, notamment dans une start-up baptisée Mind Medicine, spécialisée dans la…médecine psychédélique. Le neveu, Jake, l’épaule. Il partage avec lui la passion de la Bourse et de la finance.
Dans le cadre de ses études, à 17 ans, il a même décroché un stage chez Volaris Capital, un fonds spéculatif créé par Vivek Kapoor. Cet ancien du Credit Suisse est séduit pas les capacités du jeune homme, et avant qu’il ne rejoigne la Californie pour faire ses études supérieures, cosigne avec lui un article de recherche sur l’utilisation du defaut swap, une technique financière à risque.
Ses deux mentors l’auront sans doute aidé à réunir les 25 millions de dollars qu’il va investir dans le « coup du siècle ». Freeman est moins connu que Kenneth Griffin, et il serait surprenant que les banques aient accepté de lui prêter une telle somme. L’oncle et l’ancien chef de stage ont dû mettre la main à la poche avec quelques amis…
Depuis le campus de la Southern California University, ou il étudie à Los Angeles les mathématiques et l’économie, Jake Freeman a repéré sa proie. Ce mois de juillet, il passe à l’acte et achète des actions de Bad Bath & Beyond via une structure, Freeman Capital Management, qu’il a fait préalablement enregistrer dans l’Etat du Wyoming.
Le timing ne doit rien au hasard. L’obscur distributeur spécialisé vient d’annoncer des résultats calamiteux et le limogeage de son manager. L’action est au tapis, à 5,5 dollars. Le bon niveau pour rafler des titres. Freeman met le paquet, soit la totalité des 25 millions de dollars. Autant dire que l’irruption de cet investisseur créé l’émoi dans l’entreprise. D’autant que selon les documents de la Securities and exchange commission, il est devenu l’un des principaux actionnaires, avec 6% du capital.
Très vite, ils vont apprendre à connaitre Jake Freeman. Le jeune homme adresse au conseil d’administration un courrier constatant que l’entreprise jouait sa « survie », et que ses finances devaient être restructurées au plus vite. La société, connue pour vendre des aspirateurs et des gadgets, devait selon lui réagir au plus vite. La trésorerie est effectivement passée de 1 milliard à 107 millions de dollars depuis le début de l’année.
Le fonds Freeman, comme tout bon activiste, fait ensuite des leçons de gestion de crise aux administrateurs. Un mix de bienveillance et de menaces que connaissent bien les entreprises cotées qui composent avec à ce type d’actionnaires.
L’opération, bien relayée sur les réseaux, rencontre un large écho. Car le titre est suivi d’assez près par les spéculateurs fréquentant le réseau Reddit. Ils connaissent ces chiffres et ont pris des positions à la vente, accélérant la chute du titre. Mais l’arrivée des 25 millions de dollars de Freeman à l’achat et la communication menée autour de sa lettre au conseil d’administration ont stoppé la baisse et inversé la tendance. Les investisseurs en position de vente, vont être contraints de racheter des titres pour réduire leurs prises de risques et stopper l’hémorragie de leurs pertes potentielles.
A Wall Street, ce type de situation, s’appelle un « short squeeze« . L’effet? Booster le rebond du titre préalablement massacré par les mêmes spéculateurs. Sauf que Freeman, lui, n’a jamais été à vente. Il va pouvoir empocher toute la plus-value. Mais il hésite. Même si le titre a été multiplié par 5, son intention est de rester au moins 6 mois dans l’affaire, le temps d’observer si le nouveau management commence à suivre ses recommandations, ou surveiller si la société ainsi mise en lumière attire des gros poissons du secteur.
Il mise par exemple sur l’intérêt de Ryan Cohen. Actionnaire à 12% de Bad Bath & Beyond, l’homme d’affaires adore aussi les coups boursiers. Il est surtout propriétaire de la chaîne Chewy, spécialisée dans les accessoires et la nourriture pour animaux domestiques. Le 15 août, Jake Freeman apprend que Ryan Cohen, loin de vouloir déclencher une OPA, est en train vendre ses positions. Dès le lendemain, l’étudiant californien passe à l’action et cède sur le marché l’intégralité de sa participation pour plus de 130 millions.
Bilan de l’opération: 110 millions de dollars de gains en quelques semaines. Une fois la mise ramassée, Bad Bath & Beyond a été laissé à son destin de valeur spéculative avec un plongeon de 20% l’action. Ryan Cohen, qui aurait réalisé une plus-value de 68,1 millions de dollars, a laissé entendre qu’il ne se désintéressait pas du dossier, et avait pris à nouveau des positions. Jake Freeman, lui, a raconté qu’il avait célébré l’opération en allant dîner avec ses parents, dans une banlieue de New York. Avant de retourner sur son campus de Los Angeles.
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