Bien que l’adoption de l’eNaira soit lente, le FMI estime que l’identification de nouveaux cas d’usage de la Monnaie Numérique de Banque Centrale et son intégration dans les services offerts par les opérateurs de mobile money pourraient changer la donne.
L’eNaira, la monnaie numérique de banque centrale (MNBC) nigériane n’a pas suscité un grand engouement auprès des utilisateurs potentiels durant la première année qui a suivi son lancement, selon un rapport publié le 16 mai dernier par le Fonds monétaire international (FMI).
Intitulé « Nigeria’s eNaira, One year after », le rapport rappelle que la version numérique de la monnaie nigériane a été lancée le 25 octobre 2021 dans le but d’atteindre trois objectifs.
Primo, les autorités nigérianes tablent sur cette MNBC pour augmenter l’inclusion financière. Initialement, les portefeuilles eNaira n’étaient accessibles qu’aux personnes bancarisées, mais l’accès a été étendu en août 2022 à toute personne possédant un téléphone mobile, même si elle n’a pas de compte bancaire.
Alors que les transferts des migrants ont totalisé 24 milliards de dollars en 2019, le deuxième objectif des autorités consiste à faciliter les envois de fonds transfrontaliers et à réduire leur coût.
Et last but not least, les autorités espèrent faire de l’eNaira un puissant levier de formalisation des entreprises dans un pays où le secteur informel représente plus de 50% du PIB et près de 80% des emplois.
Mais malgré l’absence d’événements susceptibles d’éroder la confiance des utilisateurs potentiels dans la nouvelle monnaie numérique, comme une faille de cybersécurité, l’adoption de l’eNaira par les particuliers et les commerçants a été en deçà des attentes de la Banque centrale.
Le rapport révèle que le rythme de téléchargements des portefeuilles eNaira de détail s’est accéléré pendant quelques semaines en octobre et en novembre 2021 avant de chuter drastiquement. Plus précisément, il n’a fallu que 25 jours pour que le nombre de portefeuilles téléchargés atteigne 500 000 unités.
Le passage à 600 000 unités a nécessité 63 jours, et il a fallu 143 jours de plus pour atteindre 700 000 unités. A fin novembre 2022, le nombre total de portefeuilles eNaira de détail s’élevait à environ 860 000.
Le nombre des portefeuilles téléchargés par les commerçants a, quant à lui, atteint environ
100 000 unités, ce qui représente 9% seulement du total de commerçants équipés de terminaux de point de vente (TPV).
Un produit dégageant des externalités de réseau
En ce qui concerne les transactions, la plupart des portefeuilles sont restés inactifs, même si une hausse relative de l’activité a été enregistrée durant les mois de septembre et d’octobre 2022.
Le nombre moyen de transactions en eNaira par semaine s’est élevé à 14 000, soit 1,5% des portefeuilles existants. Cela signifie que 98,5% des portefeuilles ne sont pas utilisés.
La valeur moyenne des transactions s’est établie à 923 millions de nairas (2 millions de dollars) par semaine.
Le rapport indique cependant qu’il est encore trop tôt pour annoncer l’échec du projet de la monnaie numérique de banque centrale nigériane.
Premièrement, la lenteur de l’adoption de l’eNaira était attendue, au regard de « l’approche progressive » retenue par Banque centrale, qui a limité l’accès aux portefeuilles aux personnes bancarisées pendant environ neuf mois et restreint les cas d’usage à quelques transactions domestiques. Ainsi, la MNBC n’a pas jusqu’ici présenté des avantages tangibles pour la plupart des utilisateurs potentiels, compte tenu de son acceptation limitée (par exemple, le faible niveau d’adoption par les acteurs du commerce de détail).
D’autre part, l’acceptation de l’eNaira ne peut être imposée au public même si elle est une monnaie légale. Cela en fait un produit dégageant des externalités de réseau, c’est-à-dire un produit dont l’intérêt pour chaque utilisateur augmente avec la hausse du nombre des clients qui s’en servent.
Le FMI recommande dans ce cadre aux autorités nigérianes d’accélérer l’utilisation de l’eNaira dans les transferts de fonds transfrontaliers, en ouvrant l’accès aux opérateurs internationaux spécialisés comme Western Union et MoneyGram ou s’appuyant sur des opérateurs domestiques.
Il souligne par ailleurs la nécessité d’explorer de nouveaux cas d’usage comme les paiements effectués dans le cadre des programmes de transferts sociaux, et d’intégrer l’eNaira dans les services offerts par les opérateurs de mobile money. La MNBC pourrait en effet soit concurrencer ces opérateurs, soit faciliter leurs opérations et compléter leurs services en servant de passerelle entre eux. v
avec agence