Huawei pourrait-il réussir là où Microsoft (Windows Phone), RIM (BlackBerry OS), Samsung (la version de Tizen pour les smartphones, développée à l’origine par Intel) ou encore Alibaba (YunOS) ont échoué ? La part de marché du constructeur chinois sur son marché domestique — plus de 16 % — lui permettrait en effet de prétendre au titre de plateforme en bonne et due forme, estiment les analystes.
Ce point de bascule serait le seuil pour attirer les développeurs pour qu’ils créent des applications spécifiquement pour le système d’exploitation HarmonyOS, sans que Huawei ne mette la main au portefeuille. Au dernier trimestre 2023, le constructeur a fini par atteindre les 16 %, ce qui le rapproche des 20 % d’Apple. S’il reste encore beaucoup de travail à Huawei pour s’imposer sur la scène mondiale, où il ne pèse plus que 4 % (contre 23 % pour iOS et 74 % pour Android), cette position de force en Chine lui permet de s’appuyer sur un écosystème actif.
Et Huawei a le vent en poupe : sur les six premières semaines de cette année, les ventes de ses smartphones ont grimpé de 64 % en Chine par rapport à l’année précédente, selon Counterpoint Research. Huawei est désormais le numéro 2 du marché chinois, derrière Vivo qui fait appel à une surcouche Android.
HarmonyOS a été la roue de secours de Huawei quand, en 2019, l’administration américaine a interdit au constructeur d’utiliser Android. Ce dernier a alors en toute hâte utilisé ce qui était à l’origine un OS pour l’internet des objets, pour en faire son système d’exploitation de prédilection. Les débuts ont été difficiles et beaucoup se sont demandés comment cet OS fait de bric et de broc allait permettre à Huawei de maintenir son rang.
Si HarmonyOS a pu tenir le choc, c’est parce qu’il était relativement simple d’y installer des apps Android — après tout, sa base n’est autre qu’AOSP, la version open source Android. Forcé par les circonstances géopolitiques, Huawei a coupé petit à petit les ponts avec AOSP et développé un système à part entière tout en collaborant avec des universités chinoises pour former des développeurs HarmonyOS (ils seraient plus de 380 000).
En janvier, Huawei dévoilait HarmonyOS Next, qui n’inclut aucun élément d’AOSP… et qui est aussi incompatible avec les apps Android. La version finale pour le grand public sera livrée en fin d’année, avec des promesses alléchantes : un gain de 30 % pour les performances, une meilleure autonomie, une plus grande fluidité…
Cela laissera un peu de temps aux développeurs pour peaufiner leurs applications. Huawei s’est entendu avec de nombreuses entreprises comme Alipay, China Merchants Bank ou encore les développeurs de jeux NetEase et miHoYo pour qu’elles développent des applications natives. Il manque cependant des poids lourds comme ByteDance (TikTok) ou encore Tencent (WeChat). Rien n’est donc gagné.
Entre un HarmonyOS débarrassé d’AOSP (ce qu’il faudra bien sûr vérifier sur pièce) et des puces entièrement conçues en interne, y compris la puce 5G, Huawei pourrait bien réussir sa mue et gagné son indépendance. Un risque pour le duopole sur le marché des smartphones ?
Source : Nikkei