Franck Kié : La menace en Afrique est réelle. Pendant des années, on a pensé que le continent n’était pas une cible. Je peux vous dire que je reçois tous les jours des demandes de clients qui font face à un risque cyber. L’année dernière, le nombre de cyberattaques par semaine avait été estimé à 1 800.
Ce n’est pas une information facile à quantifier. Mais cela arrive de plus en plus souvent. Si je prends un exemple récent, après l’attaque de subie par La Nouvelle Parfumerie Gandour en Côte d’Ivoire au mois de mars, les pirates ont mis les données volées en vente sur le dark web.
Il y a une quinzaine d’années, la cybercriminalité résultait principalement de l’action de « brouteurs », qui agissent de façon isolée ou en petits groupes, pas forcément très organisés. Néanmoins, nous remarquons que cette criminalité est de plus en plus sophistiquée. L’Afrique ne peut pas penser qu’elle est à l’abri, y compris d’attaques menées par des États comme on le voit dans d’autres régions du monde.
Les niveaux de maturité sont très hétérogènes en la matière. Une quinzaine d’États ont ratifié ce traité sur la cinquantaine que compte le continent. Les bons élèves sont les pays dont l’économie nécessite cette mise à niveau. C’est le cas de l’Afrique du Sud, du Maroc, de l’île Maurice, du Rwanda. La Côte d’Ivoire a aussi agi vite, parce qu’elle a très tôt été victime des cybercriminels. Et depuis quelques années, d’autres pays comme le Bénin et le Togo prennent des initiatives intéressantes.
Il est très faible. Nos économies sont à risque. Et c’est parfois inquiétant, dans la mesure où elles se digitalisent et sont de plus en plus interconnectées.
Difficile à dire. Une chose est sûre : plusieurs banques ont été ciblées en Afrique de l’Ouest et pour certaines, ce sont des lanceurs d’alerte ou des hackers éthiques qui ont révélé les attaques. Surtout quand les préjudices étaient importants.
Naturellement, comme c’est le cas par exemple en France ou aux États-Unis. Pour moi, c’est un enjeu de transparence extrêmement important.
Il y a un an, les autorités ivoiriennes, en collaboration avec Interpol, arrêtaient à Abidjan un représentant du cybergang Opera1er, dont les activités criminelles ont occasionné auprès d’institutions financières ouest-africaines un préjudice estimé entre 11 et 30 millions de dollars.
Je pense que ce préjudice est peut-être même plus élevé que cela. Les suites de l’enquête, toujours en cours, le diront. Il y a une vraie complexité à identifier toutes les victimes de ce groupe, parce qu’elles sont réparties sur 10 pays. Cela implique énormément de coopération et c’est la raison pour laquelle, depuis plusieurs années, nous militons à travers le Cyber Africa Forum pour la création d’une plateforme de coopération africaine permettant de renforcer la lutte contre la cybercriminalité.
C’est forcément un risque. Pour les criminels, c’est une arme supplémentaire pour pouvoir automatiser et sophistiquer leurs actions. Mais c’est également l’opportunité d’anticiper. L’IA permet par exemple d’analyser plus en profondeur les attaques subies, et ainsi de mieux préparer sa défense.
rfi