« Il peut sembler difficile d’intégrer l’équipe de mainteneurs en tant que jeune qui voit tous ces séniors encore aux commandes », reconnaît-il. C’est en toile de fond le débat sur le choix entre le langace C et le Rust pour le futur du développement du noyau qui prend un coup de neuf. En effet, les principaux mainteneurs du noyau Linux sont des habitués du langage C dont l’âge commence par le chiffre 5. Certains se rapprochent même de la soixantaine. La nouvelle génération de mainteneurs du noyau Linux semble plutôt constituée d’utilisateurs du langage Rust dont certains se plaignent déjà du traitement que leur infligent les habitués du langage C.
Les habitués du langage C n’entendent pas se laisser embarquer dans ce qu’ils appellent la nouvelle religion du Rust
Les rapports font en effet état de ce qu’un sous-ensemble de contributeurs au noyau en langage C sont déterminés à rendre la vie dure aux mainteneurs Rust. Motif : Ils considèrent que Rust n’apporte pas de plus-value significative et préfèrent donc que ce langage de programmation soit mis de côté dans le cadre du développement du kernel.
Les mainteneurs du noyau réfractaires à la mise à jour des bases de code du noyau Linux vers le langage Rust ont fait savoir quelle est leur position lors d’une présentation des systèmes de fichiers Linux et des besoins en termes de migration des bases de code vers le Rust. Il était question pour ces derniers de créer des passerelles permettant de faciliter l’atteinte de cet objectif. L’un des membres de l’auditoire a exprimé son désaccord en disant : « Vous essayez de convaincre tout le monde de passer à la religion du Rust, mais cela n’arrivera pas. »
Ces derniers multiplient donc des attitudes qui frustrent certains mainteneurs Rust qui choisissent de quitter le navire : « Ce type de traitement est exactement la raison pour laquelle j’ai entamé le projet @redox_os en partant de zéro et en l’écrivant principalement en Rust. Il y a beaucoup de résistance aux changements bénéfiques, même mineurs, dans Linux et les projets connexes. C’est la raison pour laquelle je n’essaie même plus de contribuer au noyau Linux. Il y a des projets pour lesquels vous devrez inévitablement faire passer vos changements devant des mégalomanes pédants et condescendants, et si le noyau Linux n’est pas seulement développé par ce type de personnalité, il est aussi contrôlé par lui de manière écrasante. »
Linus Torvalds lui-même est pourtant d’avis que le langage Rust est une solution d’avenir pour le développement du noyau.
Il considère la prise en charge de Rust pour le développement du noyau Linux comme une « une étape importante vers la capacité d’écrire les pilotes dans un langage plus sûr. » Rust de Mozilla Research est le type de langage de programmation auquel ceux qui écrivent du code pour des systèmes d’entrée/sortie de base (BIOS), des chargeurs d’amorce, des systèmes d’exploitation, etc. portent un intérêt. D’avis d’observateurs avertis, c’est le futur de la programmation système en lieu et place du langage C. En effet, des experts sont d’avis qu’il offre de meilleures garanties de sécurisation des logiciels que le couple C/C++. Chez AWS on précise que choisir Rust pour ses projets de développement c’est ajouter l’efficacité énergétique et la performance d’exécution du C à l’atout sécurité.
En effet, il y a une liste de griefs qui reviennent à l’encontre du langage C : les problèmes liés à la gestion de la mémoire – dépassements de mémoire tampon, allocations non libérées, accès à des zones mémoire invalides ou libérées, etc. D’après les chiffres du dictionnaire Common Vulnerabilities and Exposure (CVE), 15,9 % des 2288 vulnérabilités qui ont affecté le noyau Linux en 20 ans sont liées à des dépassements de mémoire tampon.
De plus, certains benchmarks suggèrent que les applications Rust sont plus rapides que leurs équivalents en langage C. Et c’est justement pour ces atouts que sont la parité en termes de vitesse d’exécution en comparaison avec le C, mais surtout pour la sécurisation et la fiabilité que de plus en plus d’acteurs de la filière du développement informatique recommandent le Rust plutôt que le C ou le C++.
Ainsi, en adoptant Rust, la communauté autour du noyau Linux devrait mettre à profit ces atouts du langage sur le C. Et elle devrait faire d’une pierre deux coups étant donné que Rust peut faciliter l’arrivée de nouveaux contributeurs. C’est en tout cas ce que laisse entrevoir une étude de l’université de Waterloo.
Avec Linus Torvalds