Un cercle de pierres, érigé il y a 7 000 ans dans le sud de l’Égypte, indique le Nord et le solstice d’été. Il constitue en outre un témoignage précieux sur la vie des peuples établis dans cette oasis aujourd’hui fossilisée.
« Le cercle de pierres de Nabta Playa, dans le sud de l’Égypte, est l’ensemble mégalithique connu le plus ancien [au monde] qui suive une orientation astronomique », affirme l’archéo-astronome française Karine Gadré, qui rappelle toutefois que moins de un dixième des vestiges archéologiques existant sur la planète ont été mis au jour.
Il y a exactement cinquante révolutions terrestres, en 1973, guidés dans le désert par le bédouin Eide Mariff, les archéologues Fred Wendorf et Romuald Schild découvraient, à 150 kilomètres à l’ouest d’Abou Simbel, ce haut-lieu de la préhistoire égyptienne, qui, en plus d’être le plus ancien observatoire astronomique au monde, garde la trace unique des peuples qui, d’environ – 9 000 à – 3 500 avant notre ère, ont occupé cette oasis désormais fossilisée.
À cette période, la fin de la dernière grande glaciation a provoqué la remontée des moussons vers le Nord, et le Sahara, devenu verdoyant, est le domaine d’une faune abondante : des conditions idéales pour les groupes de chasseurs cueilleurs qui viennent s’établir sur les berges du lac aujourd’hui minéral de Nabta. « Une partie d’entre eux était d’origine subsaharienne, une autre d’origine nord-africaine », précise la scientifique.
En 6 000 avant J-.C., un nouveau mouvement climatique apporte de longues saisons arides dans la région, ce qui pousse une partie des populations à pratiquer des formes archaïques d’agriculture et une autre, qui commence à se livrer à l’élevage, à inventer le nomadisme pastoral. Nabta devient alors un centre de célébration des récoltes partagées et de rassemblements saisonniers des nomades et de leurs troupeaux.
Vers – 5 000, ses habitants commencent à enterrer des restes d’ovins et de bovins au cours de cérémonies religieuses funéraires, estiment les archéologues. « Quand ces populations rejoindront la vallée du Nil à la suite de la désertification totale de la zone, ils y amèneront leur culte des bovins, qui accouchera de celui de la déesse-vache Hathor à l’ère dynastique, remarque l’astrophysicienne, dont la thèse de doctorat portait sur l’astronomie dans l’Égypte ancienne. C’est dans ce cadre religieux qu’il faut situer l’érection du cercle de mégalithes, vers – 4 800, mais aussi celle d’une trentaine d’autres structures au cours d’un millénaire ».
De quatre mètres de diamètre, et constitué d’une quarantaine de pierres dressées, dont les plus hautes atteignent deux mètres, le cercle de Nabta Playa est loin de la monumentalité de son lointain petit cousin de Stonehenge (de 2 000 ans son cadet), situé, lui, à Salisbury (Royaume-Uni), mais il est exceptionnel par les deux axes que tracent nettement les alignements de quatre paires de pierres plus hautes que les autres pointant, l’un vers l’axe Nord-Sud, l’autre dans la direction du solstice d’été.
Sous chaque pierre du cercle ont été retrouvés des restes de bovins. « Le solstice d’été était crucial pour les éleveurs et les semeurs car il indiquait le début des moussons et de la crue du Nil, explique Karine Gadré. Quant au Nord, plusieurs autres alignements, à Nabta, pointent dans cette direction, qui est celle où les étoiles situées au-dessus de l’axe de rotation de la Terre restent toujours visibles et ne se couchent jamais. Les Égyptiens les appelaient “les Immortelles” et en faisaient le domaine de la vie éternelle. Il faut sans doute voir dans ces alignements montrant le Nord la naissance de la notion d’éternité, qui sera développée à la période dynastique ». On peut parler d’observatoire astronomique dans le sens où les axes tracés servaient à savoir où l’on en était de l’équinoxe d’été, mais aussi où se situait le Nord.
Vers – 3 500, les moussons abandonnent totalement le Sahara, le site de Nabta devient le désert qu’il est toujours depuis, et ses peuples sont forcés de migrer. Certains mènent leurs troupeaux vers le sud de l’Afrique, mais nombre d’entre eux s’établissent sur les berges encore arrosées du Nil, avec d’autres peuples du Sahara livrés à un soleil brûlant.
Trois cents ans plus tard, vers – 3 150, le roi Ménès unifiera les peuples d’Égypte, devenant le premier pharaon de l’une des civilisations les plus puissantes et les plus brillantes de l’Antiquité. Et, pendant plus de trois millénaires, ses bâtisseurs ne cesseront d’élever temples et tombeaux selon le rythme des étoiles et du soleil, comme leurs ancêtres à Nabta, il y a près de 7 000 ans.
avec jeuneafrique