Les téléphones de dizaines d’employés de la chaîne d’infos arabe ont été espionnés grâce au « mouchard » de la société israélienne NSO.
La chaîne d’information la plus regardée du monde arabe a doublement tort. D’abord, al-Jazira a son siège au Qatar, le richissime état gazier du Golfe qui refuse de plier devant son grand voisin saoudien. Ensuite et surtout, elle donne la parole à tout ce que le Moyen-Orient compte d’opposants, démocrates ou islamistes.
Pas mal d’autocrates de la région rêvent donc d’accéder aux contacts des journalistes de la chaîne, ou mieux, de pouvoir écouter leurs conversations en direct, ou de voir à travers l’objectif de leurs téléphones. On sait depuis dimanche que c’est chose faite.
Les iPhone d’au moins trente-six journalistes, producteurs, présentateurs ou cadres dirigeants d’Al-Jazira ont été manipulés, en 2019 et en 2020, grâce à Pegasus, un logiciel espion ultrasophistiqué, développé par l’entreprise israélienne NSO. C’est la conclusion du Citizen Lab, une cellule de l’université canadienne de Toronto dédiée aux droits de l’homme et aux nouvelles technologies.
Très inquiétants, ces piratages ont été possibles sans l’envoi d’un lien piégé , SMS ou mail. À partir d’une simple notification d’appli apparue sur les iPhone, le logiciel Pegasus a infecté l’appareil afin de collecter et transmettre des données vers des serveurs en… Arabie saoudite, en guerre ouverte contre le Qatar et la liberté d’expression.
En 2018, le même Citizen Lab avait mis en évidence que les messages privés sur WhatsApp de l’opposant Jamal Khashoggi étaient lus en direct, grâce à Pegasus, par les services de renseignements saoudiens, ceux-là mêmes qui l’ont assassiné sur ordre en Turquie.
Du côté de NSO, aucun commentaire. L’entreprise israélienne affirme ne fournir Pegasus qu’à des États pour combattre crime organisé et terrorisme. Elle promet d’agir en cas de mauvais usages . Pegasus a déjà été impliqué dans la surveillance de journalistes et d’opposants au Maroc, au Togo, au Mexique…
Ouest France