Dans un monde de plus en plus numérisé, la question de la vie privée prend une importance capitale. Steve Wozniak, co-fondateur d’Apple, a récemment exprimé ses préoccupations concernant les effets du suivi en ligne sur la vie privée des individus. Il a mis en lumière ce qu’il considère comme une hypocrisie dans l’approche actuelle de la réglementation, en particulier en ce qui concerne l’application populaire TikTok.
La Chambre des représentants des États-Unis a adopté par 352 voix contre 65 un projet de loi qui pourrait bloquer TikTok aux États-Unis. Quinze républicains et 50 démocrates ont voté contre, et un démocrate a voté présent. Cette mesure est la dernière d’une série de mesures prises par Washington pour répondre aux préoccupations de sécurité nationale des États-Unis concernant la Chine, qu’il s’agisse de véhicules connectés, de puces d’intelligence artificielle ou de grues installées dans les ports américains.
Les législateurs américains soutiennent que ByteDance est soumis au gouvernement chinois, qui pourrait exiger à tout moment l’accès aux données des consommateurs de TikTok aux États-Unis. Ces inquiétudes découlent d’un ensemble de lois chinoises sur la sécurité nationale qui obligent les organisations à aider à la collecte de renseignements.
Une décision qui a rendu TikTok furieuse. Un porte-parole de l’entreprise déclaré : « Ce processus était secret et le projet de loi a été bloqué pour une seule raison : il s’agit d’une interdiction. Nous espérons que le Sénat prendra en compte les faits, écoutera ses électeurs et se rendra compte de l’impact sur l’économie, les 7 millions de petites entreprises et les 170 millions d’Américains qui utilisent notre service ».
Les législateurs insistent sur le fait que la « loi sur la protection des Américains contre les applications contrôlées par des adversaires étrangers » n’est pas une interdiction. Au contraire, ils affirment que la loi donne à TikTok un choix : soit se séparer des propriétaires de ByteDance basés en Chine, soit faire face aux conséquences de la suspension de TikTok aux États-Unis.
Jake Sullivan, conseiller du président Joe Biden en matière de sécurité nationale, est également allé dans ce sens, assurant que l’objectif n’est pas de suspendre TikTok aux États-Unis. « Voulons nous que la plateforme TikTok soit détenue par une société américaine ou par la Chine ? », a-t-il demandé. « Voulons-nous que les données de TikTok – celles des enfants, celles des adultes – restent ici, en Amérique, ou aillent en Chine ? » Il a assuré que Biden est « clair » sur sa position relative à la propriété de l’entreprise, mais que « pour ce qui est de la mise en œuvre précise, c’est une question sur laquelle nous sommes restés en contact avec le Congrès ».
Le projet de loi, qui a fait l’objet d’un vote accéléré après avoir été approuvé à l’unanimité par une commission, donne à la société chinoise ByteDance quelques mois pour se désengager de TikTok. Dans le cas contraire, les magasins d’applications, y compris l’Apple App Store et Google Play, seraient légalement empêchés d’héberger TikTok ou de fournir des services d’hébergement web aux applications contrôlées par ByteDance.
L’adoption de ce projet de loi par la Chambre n’est que la première étape. Le Sénat devra également adopter la mesure pour qu’elle devienne loi, et les législateurs de cette chambre ont indiqué qu’elle ferait l’objet d’un examen approfondi. Le leader de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, a déclaré qu’il devrait consulter les présidents des comités concernés pour déterminer la voie à suivre pour le projet de loi.
L’avenir du projet de loi est en tout cas moins certain au Sénat. Certains sénateurs démocrates se sont publiquement opposés au projet de loi, invoquant des problèmes de liberté d’expression, et ont suggéré des mesures qui répondraient aux préoccupations relatives à l’influence étrangère sur les médias sociaux sans cibler TikTok en particulier. « Nous avons besoin de restrictions sur les médias sociaux, mais ces restrictions doivent s’appliquer à tous les domaines », a déclaré la sénatrice Elizabeth Warren.
Le cofondateur d’Apple monte au créneau
Selon Wozniak, bien que la protection de la vie privée soit essentielle, il est hypocrite de se concentrer uniquement sur TikTok alors que d’autres entreprises, comme Facebook et Google, pratiquent également le suivi à grande échelle pour leur modèle économique basé sur la publicité. Dans une interview accordée à CNN, Wozniak a souligné que si le principe est de ne pas suivre les individus sans leur consentement, alors ce principe devrait être appliqué uniformément à toutes les entreprises et tous les pays.
Dans ladite interview accordée samedi, CNN a d’abord interrogé Steve Wozniak sur l’approche « jardin clos » d’Apple – et sur l’existence d’un décalage entre l’intérêt déclaré d’Apple pour la sécurité et la vie privée des utilisateurs, et son propre intérêt.
Wozniak a répondu :
« Je pense qu’il y a des choses à dire de tous les côtés. Je suis plutôt content de la protection que j’ai pour ma vie privée et de ne pas être autant piraté. Apple fait un meilleur travail que les autres.
« Et vous suivre à la trace – vous suivre à la trace est discutable, mais mon Dieu, regardez ce dont nous accusons TikTok, puis regardez Facebook et Google ? C’est comme ça qu’ils font leur business ! Je veux dire que Facebook était une excellente idée. Mais ils gagnent tout leur argent en vous suivant à la trace et en faisant de la publicité.
« Et Apple ne fait pas vraiment cela. Je considère qu’Apple c’est le gentil ».
CNN a donc demandé directement à Wozniak son avis sur le projet d’interdiction de TikTok aux États-Unis.
« Eh bien, premièrement, je ne comprends pas. Je ne vois pas pourquoi. Je veux dire que TikTok me divertit beaucoup – et j’évite le web social. Mais j’adore regarder TikTok, même s’il ne s’agit que de vidéos de sauvetage de chiens et d’autres choses.
« Je me suis donc demandé ce que nous disions. Nous disons « Oh, vous pourriez être suivis par les Chinois ». Eh bien, ils l’ont appris de nous.
« Je veux dire, écoutez, si vous avez un principe – une personne ne devrait pas être pistée sans qu’elle le sache ? C’est en quelque sorte un principe de protection de la vie privée – j’ai été l’un des fondateurs de l’EFF. Et si vous avez ce principe, vous l’appliquez de la même manière à toutes les entreprises ou à tous les pays. On ne dit pas : « Dans un cas, nous allons interdire une application, mais nous ne le ferons pas dans les autres cas ».
« Je n’aime donc pas l’hypocrisie. Et c’est toujours évident dans le domaine politique ».
Une position qu’il avait déjà affiché
Dans une autre interview, il lui a été demandé : « Je suis également curieuse, en parlant des régulateurs et de la colère, de connaître votre point de vue sur TikTok, car la Chambre des représentants, comme vous le savez, a adopté un projet de loi visant à obliger TikTok à fermer ses portes ou à être vendu par sa société mère chinoise. D’où vous vous situez, qu’en pensez-vous ? Y a-t-il quelqu’un qui a la capacité d’acheter l’application et qui n’est pas une grande entreprise technologique ? »
Ce à quoi il a répondu : « Quel est le problème avec TikTok, qui permet d’avoir accès à des informations et de suivre les gens à la trace ? Attendez un peu. Nous avons beaucoup entendu parler de toutes les grandes entreprises technologiques des États-Unis qui font la même chose. J’essaie donc de comprendre ce qui se passe dans ma tête. Je vois que TikTok est un merveilleux producteur de divertissement ».
Une journaliste a rétorqué : « Je pense que c’est toute la question de la confidentialité des données et aussi toute sorte de communications ou d’informations en provenance de Chine qui peuvent peut-être influencer ce que vous finissez par voir ».
Et Wozniak de lui demander : « Vous pensez que les Chinois ont si bien appris de nous ou de tout autre pays ? »
Embarrassée, la journaliste a esquivé la question : « Je ne pense pas qu’il y ait autre chose. Il manque à la Chine un argument contre [la vente] TikTok, c’est tout ».
« Je l’entends, mais je n’entends pas l’argument contre le principe. Un principe est quelque chose qui est juste ou faux ici ou là. Et je ne vois pas comment un principe pourrait être exposé parce qu’il engloberait beaucoup plus d’entreprises que TikTok ».
Conclusion
L’attention portée par Wozniak à ces questions soulève un débat important sur la manière dont nous, en tant que société, abordons la protection de la vie privée à l’ère du numérique. Il est clair que pour avancer, une approche cohérente et non discriminatoire est nécessaire pour garantir que les droits à la vie privée de tous soient respectés et protégés.
Source : vidéo de l’interview