« Nous savons qu’au Cameroun, il y a Camtel qui est l’opérateur historique. C’est le seul qui est compétent pour gérer les infrastructures de transport. Si Camtel ne se réveille pas pour être performant, Starlink va le balayer », a déclaré la ministre des Postes et Télécommunications (Minpostel), Minette Libom Li Likeng. Elle s’exprimait à cet effet le 4 avril dernier, lors du lancement officiel du programme Industry Maker Academy (IMA 2024), une initiative portée par l’organisation à but non lucratif Digital Transformation Alliance (DTA) en partenariat avec le gouvernement dans le but d’accompagner les entreprises à la maîtrise des technologies de pointe.
Il faut dire que Starlink a de nombreux atouts qui séduisent les consommateurs : un équipement réduit, une installation autonome, un Internet haut débit fiable et la capacité de se connecter partout, même depuis les zones reculées. « Il suffit d’avoir l’équipement Starlink, d’avoir un code, vous le branchez et vous êtes connecté avec tous les risques que cela comporte », indique la ministre. En plus, cette offre met ses utilisateurs à l’abri des perturbations liées aux ruptures de la fibre optique qui sont récurrentes au Cameroun. En ces sens, Starlink constitue une alternative pour répondre à la demande croissante en connectivité à haut débit de qualité, en raison notamment de la simplicité de sa mise en œuvre alors que les réseaux terrestres, comme ceux exploités par Camtel, nécessitent des investissements colossaux pour le déploiement de câbles ou de fibres optiques pour assurer leur bon fonctionnement.
Selon le Digital Report 2024, le dernier rapport mondial du numérique présenté par l’agence créative We Are Social et l’entreprise Melwater, le Cameroun compte 12,73 millions d’utilisateurs d’Internet à janvier 2024, soit un taux de pénétration de 43,9%. C’est dire si le pays est un marché pour Starlink, dans un contexte où les internautes sont généralement confrontés à la faible couverture et à la mauvaise qualité du service régulièrement dénoncées par l’Agence de régulation des télécommunications (ART) qui multiplie les mises en demeure contre les opérateurs télécoms.
Absence de licence
La panne d’Internet survenue le 14 mars dernier suite aux incidents sur certains câbles sous-marins de fibre optique, et qui a perturbé la connexion au Cameroun et dans plusieurs autres pays africains, a renforcé l’intérêt des internautes africains en général et camerounais en particulier pour Starlink, dont l’objectif est de fournir une offre Internet par satellite en très haut débit destiné à couvrir les zones pas ou peu couvertes par la fibre optique ou l’Internet mobile. Face à cet intérêt pour Internet par satellite proposé par Starlink, Minette Libom Li Likeng a appelé l’entreprise publique des télécoms à optimiser les capacités de la fibre optique, en vue de permettre aux utilisateurs de bénéficier d’une meilleure connexion à Internet avec moins de perturbations du réseau.
Pour l’instant, la société américaine n’a pas encore obtenu l’aval réglementaire des autorités camerounaises pour opérer dans le pays. « J’ai déjà reçu la directrice Afrique de Starlink, et nous lui avons dit que le marché camerounais est ouvert, mais réglementé. Il faut avoir une licence. Nous leur avons donné les conditions pour aller le faire », a déclaré la ministre. Minette Libom Li Likeng précise qu’elle leur a demandé d’aller à l’ART, le régulateur du secteur, en vue d’obtenir la licence d’exploitation nécessaire à leurs activités. Alors que les procédures sont en cours pour régulariser la présence de Starlink dans le pays, dit-elle, il a été constaté des activités commerciales et d’exploitation frauduleuse de terminaux de Starlink. « Il se trouve que les consommateurs ont hâte d’avoir cette connexion haut débit. Ils vont acheter des équipements (au Nigeria notamment) qu’ils mettent dans leurs sacs et les douaniers pensent que c’est un appareil de technologie simple, pourtant c’est une connexion haut débit », déplore-t-elle.
La Minpostel craint que l’usage sans contrôle desdits équipements ne pose un problème de sécurité et de protection des données personnelles. « La protection des données personnelles est comme je me protège et comme je m’habille. Il faut que je m’assure qu’il n’y a pas de bandits dehors. Si vous allez sur les nouvelles technologies, vous laissez des informations. Vous ne vous souciez pas de comment elles sont protégées et gérées, vous vous livrez à la merci des bandits [qui] pourront faire de vous ce qu’ils veulent », argue Minette Libom Li Likeng. Aussi, a-t-elle annoncé avoir adressé une note il y a quelques jours à Starlink pour leur demander de « bloquer » les utilisateurs camerounais. Elle a par ailleurs invité ces derniers à attendre que Starlink ait « officiellement » la licence pour utiliser ses services afin de « protéger » le marché.
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